Traditions et coutumes du Sundgau

 

Le cycle annuel

Ce n'est pas le Jour de l'An qui ouvre l'année des traditions, mais l'Avent, ce temps que jalonnent les quatre dimanches prédédant Noël, puisque le calendrier liturgique a joué un rôle important dans la vie des villageois du Sundgau.

Bredala

 

L'Avent

Toutes les ménagères avaient à coeur de confectionner ce qui est resté, de nos jours, une caractéristique du Noël alsacien : les Schwowabredala, découpés à l'emporte-pièce en forme d'étoiles, de coeurs, de sabots, de lunes, etc... Pendant plusieurs jours, la maison embaumait la cannelle, l'anis et les épices, car on cuisait aussi d'autres Bredala : les Anisbredala (petits gâteaux à l'anis), les macarons aux amandes, les Spretzbredala, les Butterbredala, etc... et bien sûr le Berawecka qu'on mangeait traditionnellement le soir de Noël.

 

La Saint Nicolas

Un parent ou un ami de la famille, déguisé en évêque et escorté du terrible Hans Trapp, entre dans la pièce où se tiennent les enfants. Il se renseigne sur leur sagesse, félicite les plus gentils, gronde les galopins et les petites chipies, puis leur laisse les présents qu'ils avaient mérités : noix, pains d'épices décorés d'une image, des Mannala (brioches en forme de bonshommes avec deux raisins de Corinthe en guise d'yeux - plaisir traditionnel que nos boulangers nous proposent encore) ou... un fouet !
Bienheureux le mauvais sujet que Hans Trapp ne fourrait pas dans son sac pour l'enlever ! Il en était quitte pour la peur...

 

Noël

Dans les villages catholiques du Sundgau, le sapin de Noël fut introduit par les fonctionnaires allemands après 1870. Il apparut à Hirsingue en 1898 chez un greffier du tribunal cantonal. En 1900, toutes les écoles avaient leur Tannenbaum.

Le Christkindla (l'enfant-Jésus) apportait les cadeaux. Le Christkindla était représenté par une femme ou une jeune fille, la dame de Noël, le visage couvert par un voile et portant sur la tête une couronne de lumière.

La nuit de Noël

Cette nuit faisait l'objet de croyances nombreuses, reposant toutes sur la conviction de son caractère unique et extraordinaire. On affirmait que les animaux parlaient, particulièrement pendant la messe de minuit. Au cours de cet office, d'ailleurs, des procédés variables suivant les villages permettaient, à ce qu'on disait, de découvrir l'identité des sorciers ou encore des voleurs.

Avant de partir à l'église, on mettait en place le "calendrier des douze oignons" : on alignait 12 moitiés ou 12 tranches d'oignons, on y déposait un peu de sel ; aux morceaux d'oignons où le sel aurait fondu correspondaient des mois pluvieux. Autre méthode pour obtenir le même genre de renseignement : on notait soigneusement le temps qu'il faisait entre Noël et l'Epiphanie : celui du 25 décembre augurait de celui de janvier, celui du 26 annonçait le temps de février, et ainsi de suite. Certaines personnes commençaient le lendemain de Noël pour finir le 6 janvier.

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L'Epiphanie

Les trois Rois Mages étaient très populaires et longtemps on croyait que c'était leurs initiales "C + M + B" (Caspar, Melchior, Balthazar) qui figuraient, peintes ou gravées, au linteau des portes ou des fenêtres, ou encore à l'entrée des granges, pour protéger la maison, ses habitants et le bétail. Ces 3 lettres gravées sont pourtant l'abréviation de la phrase latine "Christus mansionem benedicat", Que le Christ bénisse cette habitation !

 

La Chandeleur

"Maria Reinigung" (2 février). Ce jour est celui de la Liachtmass où le prêtre bénit les cierges allumés. On conserve les cierges consacrés qu'on allume lors d'un orage violent, d'une maladie grave ou pour éloigner les mauvais esprits.
Le lendemain de la Chandeleur, la Saint-Blaise (3 février) les catholiques allaient présenter leur cou à la "bénédiction de saint Blaise". (La mission de Saint Blaise avait pour objectif de soulager les maladies de gorge, surtout quand des arêtes s'y sont enfoncées -- Pas étonnant que le Sundgauvien prie ce saint puisque son plat préféré était et est toujours "la carpe frite" !)

 

Le carnaval

Entre le dimanche de carnaval Herrefassnacht et le Mercredi des Cendres, il y avait le carnaval des femmes ou Wieverfassnacht. Les femmes, dans de nombreux villages, se réunissaient à l'auberge et n'hésitaient pas à vider quelques bouteilles. Tout homme qui se risquait dans la salle se voyait dépouillé de son chapeau (qui ne lui était rendu qu'en échange d'une tournée). Le Mercredi des Cendres aurait dû tuer le carnaval ; il n'en était rien. Le premier dimanche de Carême déclenchait le Bürafassnacht (carnaval des paysans) et allumait de grands bûchers sur les hauteurs (Jettingen).
Le soir du carnaval, après l'angélus, on allumait le feu de carnaval. Cette tradition constituait un temps fort pour la communauté villageoise. Au plus jeune couple du village, qui symbolisait la fécondité humaine, revenait l'honneur d'allumer le feu à l'aide d'un brandon pour attirer la fertilité sur les champs et les prés. Il fallait chasser le froid de l'hiver et les mauvais esprits des ténèbres.

Carnaval des femmes sundgau
Femmes du Sundgau fêtant le Wieverfassnacht

 

Le dimanche des Rameaux

La coutume de la bénédiction des rameaux est encore bien vivante dans quelques villages du Sundgau. On confectionne les Palma. Il s'agit de bouquets de rameaux de buis qui sont décorés de fleurs et de rubans, le plus souvent en papier, et amenés à l'église où le prêtre les bénit pendant l'office. Ces bouquets sont ensuite fixés au sommet d'un bâton qu'on plante devant la maison. La présence des Palma devant une maison en éloigne les mauvaises influences et elle la place sous la protection de Dieu et la préserve donc des maladies, de la foudre et des incendies. Plus communément, on décore le crucifix de la Stuwa avec un rameau bénit.

 

 

Le Jeudi Saint

Appelé Griendunschtig (jeudi vert) parce que la tradition met au menu ce jour-là un plat d'épinards ou, mieux encore, le Ninkrittergemies (neuf herbes) : oseille, épinards, ortie, persil, poireau, pissenlit et autres, chargées de "nettoyer le sang" à la sortie de l'hiver.

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Le Vendredi Saint

Le Vendredi Saint est un jour fécond : les oeufs, pondus ce jour-là, sont imputrescibles (ne pourrissent pas). Le vinaigre secoué est mieux conservé. Les oeufs du Karfritig favorisent l'apparition des dents chez les nourrissons si l'on en masse les gencives et que l'on mélange ensuite cet oeuf à la bouillie de l'enfant.

 

Le jour de Pâques

C'est le lièvre de Pâques (Oschterhas) et non les cloches qui apportait des friandises. Le dimanche de Pâques, il venait déposer ses oeufs multicolores dans des nids préparés par les parents.

moule pour Oschterlammala

Dans les familles catholiques, les enfants recevaient aussi un agneau en biscuit (Oschterlammala) dont le cou était orné d'un ruban rouge. Sur son dos était planté un drapeau aux couleurs du Vatican ou parfois de l'Alsace (rouge et blanc).
Il fallait aussi recueillir l'eau de Pâques "Osterwasser", avant le lever du soleil, voire à minuit, dans une eau courante, en évitant de prononcer la moindre parole pendant cette cérémonie, sous peine d'enlever au précieux liquide toute force. On utilisait cette eau pour protéger la maison.

 

Le mois de mai

La coutume était répandue d'aller marcher pieds nus dans la campagne pour bénéficier des effets du Maietaui, la rosée du mois de mai, qui fortifiait l'organisme et embellissait les femmes. La vertu de l'eau se retrouvait dans les cures d'hydrothérapie de l'abbé Kneipp, qui consistaient en des bains d'eau froide, des promenades dans la rosée, des applications de linges humides et qu'on pouvait pratiquer dans le village voisin, Carspach, de 1893 à 1914.
Le lundi de Pentecôte, on peut aussi faire bénir de l'eau qui acquiert ainsi des vertus médicinales "Pfingstaui".

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Les Rogations

Le lundi après celui de la Pentecôte, ainsi que les deux jours qui suivent, sont les trois jours des Rogations, processions à travers la campagne destinées à la bénédiction des champs et de la récolte future qu'ils portent. La régression de l'agriculture dans de nombreux villages et la circulation automobile envahissante ont progressivement fait disparaître ces processions. Mais, au début du siècle dernier on n'aurait jamais manqué, ces jours-là, d'entendre monter parmi les champs, le rythme balancé des litanies, tandis que deux files de paroissiens serpentaient derrière le prêtre et les servants de messe, au gré des chemins de terre.

 

La Trinité

Le jour de la Trinité, au mois de juin, le prêtre bénit le sel posé sur l'autel dans un récipient recouvert de violettes ("Dreifaltigkeit Blueme", fleurs de la Trinité). Sel et violettes s'utilisent à titre préventif (surtout contre les attaques des démons et des sorciers) ou curatif dans de nombreuses affections.

 

La Fête-Dieu

Quinze jours avant la Pentecôte, la Fête-Dieu était l'occasion de porter l'eucharistie dans les rues. Tous les paroissiens étaient mobilisés pour sa préparation : les enfants collectaient des fleurs, en particulier les pétales de roses qui devaient tapisser le sol. Les femmes fleurissaient les autels et les reposoirs. Des armoires, on sortait les plus belles étoffes et les plus beaux tapis pour orner autels et reposoirs.
Cette fête avait une grande importance pour le Sundgauvien. Comme partout en Alsace, on parait les façades de feuillages, on jonchait le sol de fleurs et de verdure, ainsi que les ancêtres avaient eu l'habitude de le faire sur le passage d'un grand seigneur.
Les reposoirs étaient ornés de fleurs, les fillettes, vêtus de blanc portaient des paniers remplis de pétales de roses. Les femmes mettaient, ce jour-là, leurs plus beaux atours. Le souci vestimentaire signifie-t-il qu'on allait à la procession "pour se montrer" ? Si ce n'était pas toujours exclu, il est certain que, pour l'âme paysanne, le soin ou même la recherche qui présidait la toilette, en une occasion comme celle-là, témoignait de l'intention qu'on avait d'être jusque dans son aspect extérieur au diapason de la fête.

 

Les jours de la semaine

Le lundi est un jour défavorable car placé sous l'influence de la lune.
Le mardi est un jour favorable : les mariages des paysans riches étaient célébrés ce jour-là et duraient jusqu'au dimanche.
Le vendredi est un jour plutôt défavorable. Néanmoins, le fait de se couper les ongles et cheveux un vendredi permet de garder une bonne vue et une bonne ouïe.

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