Traditions et coutumes du Sundgau

 

La vie quotidienne, du berceau à la tombe

 

La future mère

Tout sundgauvien sait que la pleine lune favorise les amours et que la lune croissante est plus propice à la procréation que les deux derniers quartiers.
Une alimentation épicée et salée donne des garçons, une alimentation fade procure des filles.

La période de grossesse est jalonnée d'interdits, qui sont surtout destinés à préserver le foetus. Les chats doivent être éloignés (sorcières déguisées, mais surtout vecteurs de diverses maladies, la femme enceinte ne doit pas les toucher). Il faut aussi éviter de rencontrer tous ceux que l'on peut suspecter de sorcellerie, car le Bese Blick (le mauvais oeil) pourrait nuire à l'enfant.
Une femme enceinte ne doit pas porter d'enfant sur les fonds baptismaux, sous peine de risquer la mort de son propre enfant.
Elle ne doit pas pénétrer dans la maison d'un mort, pour éviter un bec de lièvre à son enfant.
De nombreuses activités lui sont interdites, comme de suspendre son linge, de laver les vitres ou de croiser les jambes, ce qui évite les pathologies du cordon.
Un pensée impure au moment où la femme touche une partie de son corps explique les angiomes congénitaux chez le bébé.
Pendant la grossesse, la femme se doit de manger pour deux : autrefois, les vols de nourriture commis par les femmes enceintes étaient tolérés.

On peut également connaître le sexe de l'enfant à naître : un masque de grossesse trahit une fille, une peau lisse promet un garçon. Si la future mère vomit, présente des nausées ou des malaises, c'est une fille. Un ventre en pointe, un bien-être général, une femme calme, sont parmi les signes d'un héritier.

Enfin, un pendule constitué d'une alliance suspendue à un cheveu de la mère et placé au-dessus de la main ou du ventre, permet aussi de prévoir le sexe du futur enfant. (Ce truc-là, on me l'a fait deux fois. A chaque fois, j'ai accouché d'une fille au lieu du garçon prévu !!)

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L'accouchement

Jusqu'en 1950, tous les accouchements se passaient à la maison : ils étaient l'occasion de nombreuses pratiques de médecine populaire.
Lorsque l'accouchement était imminent, on faisait quelques préparatifs : on dénouaient tous les noeuds de la maison, tels que les lacets de chaussures, et ce rite magique facilitait l'accouchement. On fermait les fissures des portes et des murs au mastic, pour empêcher les mauvais esprits de pénétrer dans la maison.
Le pentagramme, tracé au dos de la porte, marqué de la Sainte Trinité, et dans lequel on peut planter un couteau avait de grandes vertus protectrices.
De même, les feuilles des prières et les icônes sont encore utilisés quelquefois aujourd'hui, bien que l'accouchement ne se passe plus dans la maison.

C'est la sage-femme qui officiait lors de ces heures difficiles. Les cierges bénits, les prières, les fumigations, le schnaps jouaient un rôle important dans son savoir. Les chaises d'accouchement se trouvent aujourd'hui dans les musées. Les saintes, invoquées à cette occasion, étaient le plus souvent la Sainte Vierge Marie, Sainte Anne et Sainte Odile.
Enfin, le jour de la naissance, le père de l'enfant plantait un arbre fruitier : cette coutume est encore pratiqué dans certaines familles.

 

De la naissance au baptême

Cette période est particulièrement critique : jusqu'au XIXe siècle l'enfant mort sans avoir été baptisé n'avait pas accès au paradis.
Sur le berceau, on trace des signes aux vertus protectrices, tels que la croix ou les étoiles à cinq ou huit branches. On accroche icônes ou médaillons au berceau : les plus fréquents sont des médaillons d'Einsiedeln, de Mariastein ou de Thierenbach. L'enfant ne doit pas être sorti à l'extérieur de la maison avant son baptême. La mère est soumise au repos et à la diète : le repos absolu pendant les neuf premiers jours doit favoriser l'allaitement. On conseille à la mère de boire de la bière ou des infusions de cumin et de bannir choucroute et aliments épicés de son alimentation pour éviter de gâter son lait.

 

Le mariage

Dans le Sundgau, la mère du fiancé rencontre la mère de la promise : ce sont les femmes qui détiennent le rôle primordial dans le choix des époux. Aujourd'hui, on ne choisit plus son partenaire dans le même village, ce qui est favorable au brassage génétique.
Le but du mariage est d'avoir des enfants. La plupart des voeux et des pratiques de fécondité se rattachent donc à l'union. La confection de la robe de mariée respecte certains interdits destinés à éviter une agression des mauvais esprits : on évitait de la coudre en présence de vieilles femmes, toujours susceptibles d'être des sorcières ; on fixait dans la robe des herbes protectrices ; c'est le marié qui offrait une partie des tissus des vêtements.
Le mariage devait comporter un maximum d'invités, l'idéal étant que toute la communauté villageoise y participe. Les jeux des mariages, encore fréquemment pratiqués de nos jours, ont souvent une connotation sexuelle : ainsi un morceau de jarretière constitue un talisman précieux pour un célibataire. La plupart de ces coutumes n'ont qu'un rapport indirect avec la médecine populaire : leur transgression peut provoquer la désunion ou la maladie.

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La veillée

Dans les villages, les voisins se rassemblaient chez ceux qui avaient les moyens d'entretenir un bon feu de cheminée. C'était le temps des histoires racontées aux enfants, le temps des souvenirs personnels ou relatifs à la vie du village, des histoires "des paysans qui avaient ruiné leurs familles par leurs dettes", bref les fameuses Dorfgeschichte (racontars). Les grands-mères racontaient volontiers des histoires de sorcières, de revenants qui hantaient les alentours du village et qui sortaient le soir. Ces histoires avaient une finalité éducative puisque ces êtres fantomatiques, incarnation de l'antique terreur nocturne, étaient censés s'en prendre aux enfants désobéissants. Les grands-mères aimaient aussi évoquer les dangers de la forêt et de ses loups qui mangeaient les enfants. Dans les familles pratiquantes, on racontait également des histoires pieuses ayant trait à la vie des saints ou à la Bible.

La mort

La mort est, jusqu'à l'avènement de la médecine hospitalière, un évènement domestique : on meurt dans son lit, dans sa maison, entouré de sa famille et de membres de la communauté villageoise.
Dès le plus jeune âge, l'enfant est amené dans la chambre du mourant pour un dernier adieu.
A l'école, il fait partie de la chorale qui chante devant la maison du défunt et au cimetière.
A l'église, le prêtre rappelle souvent que la mort est le passage vers le jugement qui sanctionnera sa conduite. Toute maladie, toute naissance est une période où la mort peut surgir à chaque instant. Aujourd'hui, les familles préfèrent parfois éloigner le mourant par l'hospitalisation. Cependant, il est souvent admis qu'un décès à domicile appartient à l'ordre des choses.

Lorsque le décès est prévisible, on administre l'Eucharistie et l'Extrême-Onction : ces sacrements ne doivent être administrés que si l'on est sûr du décès, car ils sont obligatoirement suivis de celui-ci.
On croit que le mort réapparaît à sa famille, parfois même après avoir visité des parents éloignés : ces croyances sont particulièrement répandues. L'esprit du défunt peut aussi se manifester en frappant des coups contre les murs et les volets.
Lorsque la mort est accomplie, l'entourage récite des prières, cinq "Notre Père", cinq "Ave Maria" et un "Credo". On annonce la mort au village par le glas et par une tournée où le schnaps et les souvenirs coulent à flots.
Après la mort, on ouvre les fenêtres de la pièce où se trouve le défunt pour permettre à son âme de s'échapper. On lave le corps avec du vinaigre ou de l'eau additionnée d'alcool. Ce travail est souvent la spécialité d'une personne du village, souvent une femme.
On habille le défunt de son plus beau costume ; si c'est un enfant on le pare de vêtements blancs pour préfigurer son statut d'ange. On enlève tous les bijoux et particulièrement l'alliance pour que le conjoint soit épargné.
La veillée funéraire est une coutume encore assez vivace : des cierges sont allumés à cette occasion, pour signifier la lumière divine dans laquelle repose le défunt et pour éloigner les mauvais esprits.

 

L'enterrement

Des coutumes telles que l'aspersion du cercueil à l'aide d'eau bénite, l'invocation de la Trinité en mettant un peu de terre dans la tombe ou l'offrande de couronne symbolisent le souhait de la vie éternelle et la protection contre les esprits malins. Pour fêter l'entrée du défunt dans la vie éternelle, le repas d'enterrement rassemble les vivants.

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