Les légendes du Sundgau

 


Saint-Morand et ses légendes

 

Saint Morand, qui fut l'apôtre du Sundgau et qui vécut au XIe siècle, descendait d'une riche famille de Worms, ville allemande des bords du Rhin. Il vint se fixer à Altkirch, y fonda un prieuré et les vignerons de la région le choisirent pour patron. La vie du saint fut pleine de prodiges et de miracles, dont la tradition a gardé quelques souvenirs.

D'abord, comment le saint est-il devenu le patron des vignerons du Sundgau ? On raconte que Morand, au moment où il s'apprêtait à recevoir des hôtes, s'aperçut que le tonneau du prieuré ne contenait plus que la valeur de deux ou trois chopes de vin. Qu'à cela ne tienne ! Morand fit un signe de croix, le tonneau se remplit, et jamais plus, assure-t-on, on ne put le vider. Et comme son vin ne pouvait être que de qualité, on imagine la renommée que dut acquérir le saint auprès des travailleurs de la vigne et de leurs clients. Bien entendu, le tonneau a, depuis longtemps, disparu. Autrement, où serait la morale ?

Mais saint Morand a laissé des traces plus visibles de son séjour à Altkirch. Un jour qu'il s'en allait vers Walheim, célébrer la messe à la chapelle de saint Blaise, il fut surpris par un orage. Un rocher surplombait providentiellement son chemin. Il s'abrita dessous et, dans sa méditation, appuya sa tête contre la pierre. Celle-ci devint molle comme de la cire. C'est pourquoi, aujourd'hui encore, le rocher montre une cavité ayant en partie la forme d'un crâne humain. Le lieu s'appelle "le repos de saint Morand".

Une autre fois, alors que le saint se trouvait malade dans son lit, un incendie se déclara au prieuré. Affolés, les moines se précipitèrent dans sa chambre et voulurent le transporter à l'abri des flammes. Mais quand Morand sut la cause de ce déménagement, il commanda qu'on le portât devant le bâtiment en feu. Là, il fit un signe de croix et le fléau cessa aussitôt.

Saint Morand aimait aller se recueillir sous le rocher qu'il avait marqué de l'empreinte de sa tête un jour d'orage. Une fois, il finit par s'endormir dans cette retraite. Croyant n'avoir sommeillé que durant une heure, il reprit, à son réveil, le chemin du prieuré. Mais quand il se présenta à l'entrée, le portier ne le reconnut pas, de même que saint Morand ne reconnut pas le portier. Enfin, après bien des questions et des explications, on eut recours aux archives. Et l'on s'aperçut alors d'une chose inouïe : cent ans s'étaient écoulés depuis que saint Morand avait quitté le monastère.