Les légendes du Sundgau

 


Le trésor de Rushburn

 

Entre Hirtzbach et Fulleren, quand le promeneur passe à travers bois, à l'entrée de Fulleren, deux cent mètres à droite du chemin, il arrive près d'un calvaire. Sur le socle de la croix, on peut lire : "Rushbürn 1806".
Ce mot vient de Ruelisbrünn, nom d'un ancien village disparu. A ce qu'on raconte, le village et son château furent détruits le même jour. Tout le monde s'était réfugié au château et tout le village fut rasé par les troupes ennemies. Plus tard, on aurait construit un prieuré sur les ruines du château, lequel prieuré fut détruit -mais ce détail je ne saurais l'affirmer- en même temps que l'église Saint-Léger. A la vue de l'ennemi arrivant, les moines cachèrent leur trésor. A part le portier et le prieur, nul n'en connaissait la cachette. Beaucoup de gens essayèrent de le retrouver, mais en vain.

De nombreuses années s'écoulèrent, des haies et des buissons poussèrent sur les ruines.

Un beau jour, un paysan de la vallée de la Largue, accompagné de son valet, alla en forêt pour chercher du bois. Une fois la voiture chargée, ils s'en retournèrent, ils longeaient les ruines lorsque le paysan vit une belle pierre.
"Arrêtons-nous, dit-il à son valet, regarde cette pierre, elle me fera une belle meule, nous allons la prendre."

Ils chargèrent cette pierre sur la charrette par-dessus le bois et poursuivirent leur chemin. A l'approche de Fulleren, le valet interpella son maître en criant :
"Maître, la voiture brûle, arrêtez-vous, la voiture est en feu !"
- Laisse brûler, Seppi et viens près de moi si tu as peur, poursuivons notre chemin et laisse-la brûler."

Ils poursuivirent leur chemin et le valet n'osa même plus se retourner. Ils arrivèrent à la maison : la voiture était toujours là. Ils rentrèrent dans la cour pour décharger le bois. Naturellement, il fallait descendre la pierre. Le valet, maladroit, laissa tomber cette pierre qui, en se brisant, laissa échapper de l'or et de l'argent. La pierre était toute creuse et pièces d'or et d'argent s'éparpillèrent dans la cour.
Bien entendu, le paysan s'empressa de les ramasser et dit à son valet :
"Si tu dis le moindre mot, je te congédie. Ça ne te regarde pas, c'est à moi, c'est moi qui ai dit d'emporter la pierre, toi, tu n'as rien à dire."

Mais au bout de deux ou trois ans, les gens du village se posèrent des questions : ils se demandaient d'où provenait l'argent qui avait servi à acheter un nouveau champ, un moulin sur la Largue, et surtout cette grande ferme ! Les langues allaient bon train :
"Pourquoi s'agrandit-il tellement ? Aurait-il volé de l'argent ? Comment a-t-il eu tout cet argent ? Quand on sait comment il vivait avant et comment il vit maintenant ! Il s'enrichit d'année en année pour devenir riche comme Crésus !"

Le valet, devenu vieux, mourut. Sans doute avait-il confié à quelqu'un, sur son lit de mort : "Mon maître a trouvé le trésor de Rushbürn !"

Dès lors les gens comprirent que le trésor de Rushbürn avait été découvert et qu'il était à l'origine de la richesse du paysan.

(Informateur anonyme)